Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/30

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Ce Pardon, sans mentir, est le roi des Pardons,
Et la Cornouaille envoie ici tous ses cantons.
De pauvres, de chanteurs chaque sentier fourmille,
Vous entendez les sous sonner dans leur coquille ;
Avec leurs grands fourneaux vingt tentes sont debout ;
Et, dans ses beaux habits, la jeunesse partout :
Car, dès que se répand l’annonce d’une fête,
Cette heureuse jeunesse à s’y rendre s’apprête ;
Mais ce n’est guère, hèlas ! pour honorer les saints
Qu’arrivent si fervents ses rapides essaims.
 
Oh ! la foule charmante autour de la chapelle,
Et les tendres regards ! — « C’est vous, la jeune belle ?
Si vous voulez des noix, ouvrez bien votre main.
— Mes amis, venez voir au détour du chemin
Une fille pleurant comme une Madeleine,
Et qui vend ses cheveux pour des rubans de laine.
— À gauche, par ici ! suivez-moi, venez tous !
C’est une batterie entre des hommes soûls. »
 
Ah ! comme ce torrent gronde, roule et tournoie !
Les femmes, les enfants sont bondissants de joie.
« Lilèz, séparons-les ! Verrons-nous sans bouger
Comme des animaux ces hommes s’égorger ?
— Non, non ! laissez finir entre eux cette bataille :
Ils sont de même force, ils sont de même taille.
— Place ! — Recommencez. — Bruk, serre-lui le cou.
— Monsieur, vous recevrez bientôt un mauvais coup.
Ne connaissez-vous pas ce peuple et ses usages ?
— Hommes pleins de boisson, tuez-vous donc, sauvages ! »