Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/32

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Dans l’espoir d’y trouver un caillou vénéré
Où l’on voit en relief la croix de Saint-André.
 
Jadis un chef païen cria dans son délire :
« J’ai les croix en horreur, et je veux les détruire ! »
Mais à peine la croix du bourg avait péri,
Que Dieu mettait son signe aux pierres de Coad-Rî.
Quelles douleurs du corps contre elles ne se brisent ?
Pourtant la foi faiblit, les incrédules disent :
« Tombez du haut d’un arbre et cassez-vous le bras.
Les pierres de Coad-Rî ne le sentiront pas. »
 
C’était pour en parer le blond Nannic, leur frère,
Qu’Anne et sa sœur Hélène, à côté de leur mère,
Cherchaient dans le torrent un talisman croisé ;
Mais son lit ce jour-là paraissait épuisé.
Anne se désolait, aussi sa sœur Hélène,
Quand deux jeunes amis, la main ouverte et pleine,
Vinrent en souriant vers les charmantes sœurs.
Et leurs yeux semblaient dire : « Allons, prenez nos cœurs ! »
Aucune n’était sourde à ce muet langage,
Et ces pierres pourtant (feinte et pudeur de l’âge !).
Aucune n’en voulait ; mais à peine l’enfant
Dans ses petites mains les saisit triomphant.
Que, réclamant leur part de son trésor, chacune
Disait avec douceur : « Nannic, donne-m’en une ! »
 
Les vêpres cependant, en l’absence du clerc.
S’étaient dites ; le ciel déjà brillait moins clair ;
On partait, quand le son aigu d’une bombarde
(C’était vous, ô Ban-Gor, bon meunier, joyeux barde !)
Retentit, et l’on vit courir à travers champs,