Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/33

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Courir à son appel filles et jeunes gens :
Car tous ces pieds légers préfèrent, sans reproches,
Le sonneur de bombarde au noir sonneur de cloches.
On eût fait bien des tours de bal, si le curé,
Son vicaire avec lui, n’eût traversé le pré ;
Mais chacun, à l’aspect de ces fronts vénérables,
S’enfuit. Les buveurs seuls n’en étaient plus capables.
Dieu ! quels flots de boisson leur gosier entonna !
Que de chansons ! quel bruit ! — Pour le père d’Anna,
Bien qu’il se crût l’œil sûr, le corps droit, le pied ferme,
Au grand jour seulement il revint à la ferme.
Eh ! comment, chers lecteurs, retrouver son chemin,
Lorsqu’un petit nain noir, l’ayant pris par la main,
Méchamment le traîna durant la nuit entière
De taillis en taillis, de bruyère en bruyère ?
A peine il se sentait sur ses pieds redressé.
Que le nain le faisait rouler dans un fossé.
 
Lutins malicieux, ô follets de Bretagne,
Qui depuis des mille ans jouez sur la montagne,
Assez rire la nuit des buveurs attardés !
Songez à vos périls, nains, et vous défendez !
Défendez, chevaliers, vos antiques murailles !
L’esprit nouveau s’abat et court dans la Cornouailles ;
Nos Pardons vénérés un jour seront déserts.
Et vous, bardes, l’oubli s’étendra sur vos vers.
Aux fils des anciens Franks la Bretagne est rouverte.
Bardes et chevaliers, saints des vieux temps, alerte !
Arches des ponts, croulez ! Poussez, bois défenseurs.
Et fermez tout chemin à ces envahisseurs !