Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/40

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Et poussaient à la fois un long mugissement.
Le village accourut : sur sa noble conquête
L’immobile taureau tenait encor sa tête,
Mais il s’était usé par un si rude effort,
11 releva son front, et puis il tomba mort.
 
À ce récit, des cris de joie et de colère
En l’honneur du taureau retentirent dans l’aire ;
Quelques-uns de plaisir secouaient leurs cheveux.
Ou comme pour lutter tendaient leurs bras nerveux.
Le vieil Hoël lui-même en riant dit au prêtre :
« Voici de braves gens, pour eux soyons bon maître !
Ils sont en vérité des pasteurs comme vous :
Vous nous sauvez du diable, ils nous sauvent des loups. »
 
Mais tels étaient aussi les propos moins farouches
Que laissaient à l’écart tomber deux jeunes bouches :
« Je ne suis qu’une fille encor de dix-sept ans,
J’ai bien peu de science et crois ce que j’entends.
Prenez garde, pourtant, jeune homme ! est-ce aux écoles
Que vous avez appris ces menteuses paroles ?
— Oh ! ne m’appelez plus écolier ni menteur,
Mais donnez-moi le nom de votre serviteur !
— Depuis trois ans passés, jour et nuit, sans relâche.
Vous n’avez point quitté les livres, votre tâche :
On espérait, un jour, vous voir prêtre en ce lieu ;
Ami, je ne veux pas voler une âme à Dieu. »

À ces mots durs, Loïc, comme un homme qui doute,
Demeura sans parler ; mais on criait : « En route ! »
Ceux de Ker-Barz, chargés du féroce animal,
Partaient, et le vicaire amenait son cheval ;