Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/41

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Le clerc reprit en main la bride ; et les deux bandes
Sortirent de la ferme emportant les offrandes.
 
Ce fut à mi-chemin du bourg que les vieillards,
Montrant à l’horizon un amas de brouillards,
Dirent qu’ils s’en allaient tous deux par la traverse,
Car du côté de l’est s’amassait une averse :
Les nuages déjà couraient confusément.
Et chaque feuille d’arbre était en mouvement,
Comme si, pour troubler la fin de la journée.
Le diable et tous les siens s’étaient mis en tournée.
« Ah ! s’écria le prêtre, aussitôt leur départ.
Que s’est-il, chez Hoël, passé près du hangar ?
Toi, si gai ce matin, tu t’en vas tout morose !
Loïc, Loïc, ton cœur cache une triste chose ! »
Le jeune paysan reprit avec douceur :
H Vous ne le saurez pas, bien que mon confesseur.
Rien n’y peut désormais. Pourtant le ciel maudisse
Le jour où le curé me prit à son service !
— Quoi ! méchant, tu maudis la main qui t’éleva !
— S’il faut parler, voici ce qu’il en arriva. »
Et, comme un pénitent qui tout bas s’examine,
En marchant il croisait les bras sur sa poitrine :

« J’étais un enfant pur d’àme et jeune de corps.
Plein de calme au dedans, tout de joie au dehors,
Lorsque le vieux curé, par une chaleur grande,
Me trouva qui chantais sur le bord de la lande.
Je gardais mes bestiaux et j’appelais Anna,
Qui conduisait aussi ses chèvres près de là :
Nous venions chaque jour seuls sur cette bruyère,
Et nous nous appelions la matinée entière.