Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le curé, me voyant chanter de si bon cœur,
Désira de m’avoir pour son enfant de chœur ;
Il me dit de laisser ma vache et de le suivre,
Qu’il me nourrirait bien, me donnerait un livre,
Et que, si j’aimais Dieu, dans la paroisse un jour
Comme lui je dirais la grand’messe à mon tour.
Ma mère pleura d’aise. — « Enfin, Dieu, je l’espère ;
Vient de trouver pour toi, dit-elle, un autre père !
Que l’âme du premier veille sur celui-ci !
Prends courage, garçon ! laisse-moi seule ici.
Quand tu seras curé je tiendrai ton ménage.
Mon enfant, te voici l’appui de mon veuvage !… »

« J’ai fait ce qu’on m’a dit : écolier studieux.
Je n’ai point ménagé ma mémoire et mes yeux ;
Dans notre classe sombre, à la fenêtre ouverte,
Je regardais au loin briller la forêt verte,
Et mon cœur se gonflait en écoutant l’appel
De mes amis du bourg, Jéromic et Berthel ;
Pourtant je reprenais ma tâche opiniâtre :
Le savant écolier faisait taire le pâtre.
Voilà pour le passé. Quant à mon avenir,
C’est d’Anna de Coat-Lorh que je veux le tenir.
Malheur, malheur sur moi dans ce monde et dans l’autre,
Si je quitte jamais mon habit pour le vôtre !
Sur elle aussi malheur ! Je le dis sans détour :
Dans le fond de son âme il est un grand amour.
— Ah ! Loïc ! te voilà comme en ton premier âge !
Toujours je te connus ainsi, doux, mais sauvage.
Va ! tu seras toujours le jeune mendiant
Qui courait dans la lande et chantait en jouant !
Retourne à tes bestiaux ! Plus sombre que ta vache,