Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Couchaient sous ces granits les guerriers nos ancêtres :
Sous chaque pierre un corps repose enseveli.
Pourtant nous les nommons Soldats-de-Cornéli.
Écoutez : les soldats de deux rois idolâtres
Poursuivaient notre saint déjà l’ami des pâtres,
Et sur un chariot traîné par de grands bœufs
Le bon vieux Cornéli se sauvait devant eux ;
Or, voici que la mer, terrible aussi, l’arrête ;
Alors le saint prélat, du haut de sa charrette,
Tend la main : les soldats, tels qu’ils étaient rangés,
En autant de men-hîr, voyez ! furent changés.
Telle est notre croyance ; et personne n’ignore
Que le patron des bœufs, c’est ici qu’on l’honore.
Aux lieux où la charrette et le saint ont passé,
Le froment pousse encor plus vert et plus pressé. »

« — Bien ! repartit le clerc. Dieu vit dans cette histoire,
Et tous les cœurs bretons sans peine y doivent croire.
Mes hôtes, à présent dirigez mes deux yeux
Vers celle-là qui fait votre orgueil, jeune et vieux.
Je cherche autour de nous quelle est la plus gentille :
Montrez-moi votre femme, amis, et votre fille. »

Les traits du vieux marin brillèrent, et l’époux,
S’il eût été moins fier, certe, eût été jaloux.

Des filles, des enfants, tous les gens de la fête
Environnaient Nona ; l’un d’eux, à pleine tête,
Criait : m Nona ! sauvez, sauvez le prisonnier ! »
Le bouvreuil tout tremblant sautait sur l’épinier.
Du bout de ses ciseaux enfin la jeune belle
Coupe le lacet rouge ; et l’oiseau, d’un coup d’aile,