Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/56

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C’était un samedi. Le lendemain, voilà,
Dès qu’au soleil levant la mer se dévoila,
Que tous les gens d’Hœdic, enfants, hommes et femmes,
Se tenaient sur la grevé à regarder les lames :
« Ah ! disaient-ils, la mer est rude, le vent fort.
Et le prêtre chez nous ne viendra pas encor ! »
Ensuite ils reprenaient d’un air plein de tristesse :
« Ceux de Houad sont heureux, ils ont toujours la messe ! »
Et, sans plus espérer, graves, silencieux,
Sur leur île jumelle ils attachaient les yeux.
« À genoux ! dit soudain le Chef, voici qu’on hisse
Le pavillon de Dieu, c’est l’heure de l’office. »
Alors vous auriez vu tous ces bruns matelots,
Ces femmes, ces enfants, priant le long des flots.
Mais, comme les pasteurs qui regardaient l’étoile,
Les yeux toujours fixés sur la lointaine voile.
Tout ce que sur l’autel le prêtre accomplissait,
Le saint drapeau d’une île à l’autre l’annonçait.
Ingénieux appel ! Par les yeux entendue,
La parole de Dieu traversait l’étendue ;
Les îles se parlaient ; et, comme sur les eaux.
Tous ces pieux marins consultaient leurs signaux !

« Hélas ! disait, le soir, au seuil d’une chaumière,
Le jeune homme étranger, votre île hospitalière,
Votre sainte maison, demain nous la quittons !
Kegrettez-nous un peu, nous qui vous regrettons.
Ou bien, pour quelques jours quittez ces lieux saumâtres.
Et venez avec moi voir le pays des pâtres.
Dans les herbes des prés courir les gais ruisseaux,
Et les chênes verdir, et chanter les oiseaux. »
Le pécheur répondit : « Chacun a son asile,