Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/57

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Le pâtre a ses vallons et le pêcheur son île :
Ce terrain sablonneux où tout semble languir,
La faim, la seule faim nous en ferait sortir ;
Sur les vaisseaux du roi, mornes, l’âme abattue,
Ce n’est pas le canon seulement qui nous tue. »
 
Or, comme en leur bateau montaient les voyageurs,
D’autres rentraient au port, et, parmi ces pêcheurs,
On eût dit une rixe à leurs cris, leurs reproches,
Tandis qu’ils déchargeaient leurs filets sur les roches.
L’Ancien fut appelé. « Je prétends, dit l’un d’eux,
Que ce lot me revient ; jugez entre nous deux. »
Alors le bon vieillard, sans que nul l’en empêche,
Avec autorité fait les parts de la pêche :
Dans ses décisions il ne fut rien changé
Et tout ce qu’il jugea fut trouvé bien jugé.
Il est maître et seigneur par le drpit de son âge,
Comme le plus ancien on le croit le plus sage…
 
Ils n’ont point tous péri, les fruits de l’âge d’or,
Et le barde inspiré sait les trouver encor !
Ô candeur, équité, fleurs mortes dans les villes,
De vos fraîches senteurs vous embaumez nos îles ;
Perles blanches du cœur, comme celles des mers,
Vous aimez à briller près des gouffres amers !

Que l’âme de Loïc, âme toujours en peine.
De ce séjour de paix sorte au moins plus sereine,
Partout, chemin faisant, allégeant son ennui,
Et plus calme demain qu’elle n’est aujourd’hui !

Mais quand ces deux amis, dans l’ardeur des voyages,
Vont sur le Mor-Bihan sonder toutes les plages,