Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/79

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Leur poitrine avec bruit rejetait leur haleine ;
Tout leur corps travaillait, pareil à ces ressorts
Qui semblent pour s’user faire de longs efforts ;
Puis, afin d’en finir, sur la terre qui tremble,
L’un par l’autre emportés, ils bondissaient ensemble ;
Mais par un nœud de fer l’un à l’autre liés.
Toujours ils retombaient ensemble sur leurs pieds.
Le peuple hors de lui criait ; un large espace
S’ouvrait et tour à tour se fermait sur leur trace.
Et moi, poète errant, conduit à ces grands jeux,
Un frisson de plaisir courut dans mes cheveux !
Dans nos vergers bretons, sous nos chênes antiques,
C’était un souvenir des coutumes celtiques :
Déjà si j’aimais bien mon pays, dès ce jour
Je sentis dans mon cœur croître cncor cet amour !

Cependant par degrés la nuit venait plus sombre,
Et l’on disait : « Assez ! » Alors, perdus dans l’ombre,
Epuisés, haletants, ne pouvant se dompter,
Les deux nobles lutteurs se mirent à chanter.

cador

« Quel homme êtes-vous donc ? Sur son roc solitaire
Un chêne plus que vous ne tient pas à la terre :
Il plie au vent qui passe, ou tombe avec fracas ;
Vous ne pliez jamais, et vous ne tombez pas.
Comme il étouffe un arbre entre ses dures branches,
Vos bras à m’étouffer ainsi pressaient mes hanches.
]’ai pâli. Vos cheveux immenses et confus
Tout entier m’ont couvert de leurs rameaux touffus.
Répondez ! de quel nom faut-il que je vous nomme ?
Et quel homme êtes-vous, si vous êtes un homme ? »