Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/86

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Que déroulent sans fin nos sauvages campagnes.
Plus de batteurs de seigle ici, plus de faucheurs,
Mais des canots chargés de mousses, de pécheurs,
Partant et revenant avec chaque marée.
Et sur les quais du port versant à leur rentrée
Des sardines en tas, des congres, des merlus,
Des homards cuirassés, de gros crabes velus.
Et, du fond des paniers, mille genres énormes,
De toutes les couleurs et de toutes les formes,
Avec leur œil vitreux et leur museau béant,
Tous enfants monstrueux du grand monstre Océan.
Aussitôt le pressier les sèche, les empile ;
Et quand leur grasse chair a dégorgé son huile,
De Nantes à Morlaix cherchant des acheteurs,
On voit bondir sur mer les hardis caboteurs.
 
Un côtier de Léon, avec toute sa charge,
Par un matin d’automne allait prendre le large.
La voile frémissait et l’ancre était à bord.
Lorsqu’un homme en soutane arriva sur le port :
« Capitaine, salut ! Mes amis de voyage
Vers vous m’ont envoyé vous demander passage ;
Nous allons en Léon et nous venons de Scaer ;
Et moi j’ai préféré le chemin de la mer ;
Car de l’île d’Eussâ je suis fils, et peut-être
Dans mon île en passant pourrcz-vous me remettre.
— Soyez le bienvenu, répondit le patron,
Mais hâtez vos amis ; vous aurez le vent bon.
— Ils sont là sur le quai : c’est une jeune fille
Qui va loin de Kerné prier pour sa famille ;
Son cousin l’accompagne ; et tous deux je les suis,
Afin d’entendre encor la langue du pays ;