Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/96

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Les ronces, les ajoncs, le chardon parasite,
Renaissent par endroits, et leur œuvre est détruite.
 
Oh ! oui, malheur encor, malheur au bâtiment
Devant cette île sainte échoué parle vent !
Malheur ! cette nuit même, en face de ces côtes,
Dans leurs huttes de grès veillaient des Kernéotes :
Aux premiers sifflements du vent d’ouest sur leurs bords
Semblables à des loups qui vont manger les morts,
Hommes, femmes, poussant des hurlements de joie,
Sont accourus tout prêts à fondre sur leur proie ;
Et, comme souteneurs de leurs affreux desseins,
Ô profanation ! ils invoquent les saints !
 
Barbares chevelus, hideuses Valkyries,
Aux fureurs de la vague unissant leurs furies !
Plus les immenses voix de la mer grandissaient,
Plus montait leur prière effroyable ; ils disaient :
 
« Vous êtes, ô Beûzec, le patron de ces côtes ;
C’est vous qui, chaque hiver, nous envoyez des hôtes,
Et les larges vaisseaux ouverts sur ces brisants
À vos fils dévoues, bon saint, sont vos présents.
Ah ! comme, cette nuit, votre digne servante
Au cœur des étrangers doit jeter l’épouvante !
Comme elle tend vers vous ses bras, prêts à saisir
Tout ce qui, condamné du ciel, n’a qu’à périr !
Vous aurez votre part, Beûzec, et la plus riche :
Deux chandeliers de cuivre au coin de votre niche.
Laissez donc le courroux de la mer éclater !
Avec Dieu, cette nuit, venez nous visiter ! »
Ainsi, dans ces rochers, cette race cruelle,