Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/95

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Il rassure les cœurs et dissipe les rêves
Qui des âges païens s’étendent sur ces grèves,
Lorsque les pâles morts dans leurs pâles linceuls
Venaient du monde entier pleurer sur ces écueils.
 
« Entendez-vous leurs cris ? L’ouragan les apporte,
Murmuraient les pêcheurs. Ah ! fermez votre porte !
Voici les Trépassés qui roulent sans repos,
Car la mer s’est remise à ballotter leurs os ;
Fermez bien vos maisons, puis allumons des flammes :
Là-bas un bâtiment lutte contre les lames. »
 
Le prêtre répondait : « Ô chrétiens ! mes enfants.
Ces cris sont les sanglots de la lame et des vents.
Les pauvres voyageurs ! quelle dure agonie !
Pour eux tenons-nous prêts à donner notre vie.
Prions pour eux. Jadis, sur ces mêmes îlots,
Des prêtresses calmaient ou soulevaient les flots :
Or, ce qu’elles ont fait, ces vierges druidiques.
Par leurs enchantements et leurs runes magiques.
Nous, demandons-le à celle en qui tout est clarté,
L’Étoile de la mer, l’Astre de pureté.
 
Et ces fils dévoués d’impitoyables pères.
Dont les sanglants rochers n’étaient que des repaires,
Attendaient en priant que l’orage eût cessé.
Belle île hospitalière où les saints ont passé !
Hélas ! la barbarie est cette aride mousse
Que toujours on arrache et qui toujours repousse !
En vain, pays d’Arvor, sur ton ingrat terrain,
De pieux ouvriers vont semant le bon grain ;