Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/105

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Vous nous retrouverez aux marches de la croix,
Et nos galants alors nous donneront des noix.

Aux environs de Scaer, ainsi, dans une lande,
D’amoureux pèlerins devisait une bande :
C’étaient Berthel, Jérôme, enfant modeste et fin,
Qui, lorsqu’il sert la messe, a l’air d’un séraphin ;
Anna des bois du Lorth était aussi du nombre,
Et Loïc, qui la suit partout comme son ombre.
Moi-même à ce Pardon j’allais vêtu comme eux ;
Pourtant à mon costume il manquait les cheveux,
Si bien qu’en traversant cette lande embaumée ;
« Quel est donc celui-ci qui revient de l’armée ?
Disaient tout bas les gens. À sa taille, à son air,
C’est celui qui partit pour Ronan, l’autre hiver.
— Eh ! non ! c’est le jeune homme arrivé de la ville.
À parler notre langue on dit qu’il est habile.
Bonjour, monsieur ! et Dieu vous garde du chagrin !
Vous ne méprisez pas ceux qui sèment le grain. »
D’autres d’un air joyeux reprenaient : « Quelle somme,
Pour travailler aux champs, demandez-vous, jeune homme ? »

Nous avancions toujours, et par tous les sentiers
Ce n’étaient que chapeaux, coiffes et tabliers,
Allant vers le Pardon ; sur la bruyère verte,
Des vapeurs du matin encor toute couverte,
Le soleil par moments dardait ses grands rayons ;
Et mon âme volait en exaltations.

Si notre sort commun, Arvor, veut le permettre,
Sais-tu la haute place où, moi, je veux te mettre ?
Hélas ! Pauvre exilé de l’ombre des taillis,