Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/125

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A l’âge qui pour moi fut si plein de douceurs,
J’avais pour être aimé trois cousines (trois sœurs) :
Elles venaient souvent me voir au presbytère :
Le nom qu’elles portaient alors, je dois le taire,
Toutes trois aujourd’hui marchent le front voilé,
Une près de Morlaix et deux à Kemperlé ;
Mais je sais qu’en leur cloître elles me sont fidèles,
Elles ont prié Dieu pour moi qui parle d’elles.

Chez mon ancien curé, l’été, d’un lieu voisin,
Elles venaient donc voir l’écolier leur cousin,
Prenaient, en me parlant, un langage de mères ;
Ou bien, selon leur âge et le mien, moins sévères,
S’informaient de Marie, objet de mes amours,
Et si, pour l’embrasser, je la suivais toujours ;
Et comme ma rougeur montrait assez ma flamme,
Ces sœurs, qui sans pitié jouaient avec mon âme,
Curieuses aussi, résolurent de voir
Celle qui me tenait si jeune en son pouvoir.

A l’heure de midi, lorsque de leur village
Les enfants accouraient au bourg, selon l’usage,
Les voilà de s’asseoir, en riant, toutes trois,
Devant le cimetière, au-dessous de la croix ;
Et quand au catéchisme arrivait une fille,
Rouge sous la chaleur et qui semblait gentille,
Comme il en venait tant de Ker-Barz, Ker-Halvé,
Et par tous les sentiers qui vont à Ti-Névé,
Elles barraient sa route, et par plaisanterie
Disaient en soulevant sa coiffe : « Es-tu Marie ? »
Or celle-ci passait avec Joseph Daniel ;
Elle entendit son nom, et vite, grâce au ciel !