Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il fuyait en jetant un grand éclat de rire ;
Et moi, tel qu’un aveugle aux murs tendant la main,
A tâtons, dans la nuit, je cherchais mon chemin.

Une autre fois, paré comme pour un dimanche,
C’était un beau vieillard à chevelure blanche,
Ferme encor dans sa marche et vert, et cependant
S’avançant pas à pas d’un pied grave et prudent.
Il disait revenir de quelque long voyage,
De pays où souvent il avait fait naufrage ;
Il avait vu les cours, les villes, les déserts,
Les peuples différents sous leurs soleils divers ;
Hasards bons et mauvais, éprouvant toute chose,
Il arrivait enfin, non désolé, morose,
Mais mélangeant le bien et le mal par moitié,
Et plein pour nous, mortels, d’une tendre pitié,
Plaignant notre faiblesse, appelant l’indulgence
Sur ces fautes d’un jour, et jamais la vengeance.
Son accent était doux, mais dans ses actions
Perçait le feu d’un cœur riche d’émotions ;
Cherchant la vérité, l’aimant, railleur honnête,
A toute foi trop vive il secouait la tête ;
Souvent des pleurs brillaient à travers son souris,
Et tout en vous grondant il vous nommait son fils.