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L’Élégie de Le Brâz


 
Si vous laissez encor les beaux genêts fleuris
Et les champs de blé noir pour aller à Paris,
Quand vous aurez tout vu dans cette grande ville,
Combien elle est superbe et combien elle est vile,
Regrettant le pays, informez-vous alors
Où du pauvre Le Brâz on a jeté le corps.
(Son nom serait Ar-Brâz[1], mais nous, lâches et traîtres,
Nous avons oublié les noms de nos ancêtres.)
Et puis devant ce corps brûlé par le charbon
Songez comme il mourut, lui simple, honnête et bon.
C’est qu’il avait aussi quitté son coin de terre,
Sur le bord du chemin sa maison solitaire,
Le pré de Ker-Végan, Ar-Ros, sombres coteaux :
Là, rencontrant la mer, le Scorf brise ses flots ;
Dans le fond, le moulin fait mugir son écluse,
Et dès que le meunier enfle sa cornemuse,
Au tomber de la nuit, les Esprits des talus,
Les noirs Corriganed dansent sur le palus.

— Je dirai : Si la mort, dans la ville muette
Et les tristes faubourgs, passe sur sa charrette,

  1. Le Grand