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Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/156

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Pourtant, à deux genoux si, confessant vos crimes,
Aux dames de haut lieu vous adressiez vos rimes,
Elles, d’un cœur facile et tendre à la pitié,
Peut-être aussi diraient que tout est oublié ;
Et près d’elles choyé, toujours mieux venu d’elles,
Vous iriez tout couvert de bijoux et dentelles ;
Qui sait ? sur leur épargne instruit à Pont-l’Abbé,
Pauvre clerc vous pourriez en revenir abbé ! »

Cette amoureuse ainsi d’astuce non pareille,
Sirène, me coulait sa musique à l’oreille ;
Et je faillis, moi simple, être pris ; mais mon cœur,
Tout bas se gourmandant, resta libre et vainqueur ;
Puis, m’emmiellant un peu la bouche et le visage,
Je fis cette réponse hypocrite, mais sage :

— « Madame, les linots et les petits pinsons
N’ont garde de chanter près des hautes maisons,
Car là sont rossignols, oiseaux de Canarie,
Plus savants à jeter une âme en rêverie ;
Ainsi fais-je, Madame ; et, linot que je suis,
Je chante à qui m’entend, et fredonne où je puis,
Aux bois, le long des eaux limpides et courantes,
Et pour quelques enfants belles, mais ignorantes ;
Donc, Madame, excusez. Devant votre beauté
Mon silence est respect, non incivilité ;
Toujours il durera, si Dieu ne me délivre
Ce don rare et parfait que j’ai vu dans un livre,
Le don de cette voix que l’ange Gabriel
Fit entendre à Marie en descendant du ciel,
Lorsque devant ses yeux debout et face à face,
De sa voix douce il dit : « Salut, pleine de grâce ! »