Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/171

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Puis viennent de ces riens, de ces mots, de ces choses,
Que toute femme trouve, en écrivant, écloses,
Qu’on baise avec transport, et qu’on relit tout bas !
Oh ! qui pourrais-je aimer, si je ne t’aimais pas ?
Et malgré tes avis, mes soins de toute sorte,
Si ma mauvaise étoile, enfin, est la plus forte,
Si je sens par degrés mon âme se flétrir
Et se miner mon corps, vers qui donc recourir ?
Vers toi, qui toujours douce, et bienveillante et bonne,
D’un reproche tardif n’affligerais personne,
Dont l’esprit indulgent n’a pas encor vieilli,
Dont le front, jeune encore, est demeuré sans pli !
Lorsque seule, en hiver, assidue à l’ouvrage,
Le soir, tu sentiras défaillir ton courage,
Songeant que, sans profit pour mon bien à venir,
J’ai quitté la maison pour n’y plus revenir ;
Quand ton cœur abîmé dans cette idée amère
Sera près de se rompre, alors prends, ô ma mère !
Prends ce livre qu’ici j’écrivis plein de toi,
Et tu croiras me voir et causer avec moi !
Tes conseils, mes regrets, nos communes pensées
Y sont avec amour et jour par jour tracées.
Ce livre est plein de toi ; dans la longueur des nuits,
Qu’il vienne, comme un baume, assoupir tes ennuis !
Si ton doigt y souligne un mot frais, un mot tendre,
De ta bouche riante, enfant j’ai dû l’entendre ;
Son miel avec ton lait dans mon âme a coulé ;
Ta bouche, à mon berceau, me l’avait révélé.