Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/170

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À ma Mère


 
Si je ne t’aimais pas, qui donc pourrais-je aimer ?
Quand ton cœur au mien seul semble se ranimer,
Lorsque dans tout le jour peut-être il n’est point d’heure
Que ta pensée aimante autour de ma demeure
Ne vienne, redoutant mille lointains périls
Et des chagrins sans nombre et dont souffre ton fils !
Et quel est ton bonheur, sinon avec ta mère,
Mon autre mère aussi (car le destin sévère,
Sous lequel je me traîne et m’agite aujourd’hui,
Du moins me réservait en vous un double appui),
Toutes deux en secret quel bonheur est le vôtre,
Sinon de me pleurer, et toujours l’une à l’autre
De parler de celui que vous ne pouvez voir,
D’une lettre en retard qu’on eût dû recevoir,
Qui vous arrive enfin, mais rouvre vos alarmes,
Et que vous arrosez, comme moi, de vos larmes ?
Et vous vous consultez ; et tu m’écris alors
Pour forcer ma paresse à de nouveaux efforts :
C’est mon sort, c’est le tien ; au besoin tu m’en pries ;
Et qu’il faut triompher de ces sauvageries,
De ces fières humeurs, de ces hauteurs de ton
Que me transmit mon père avec le sang breton ;