Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/179

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Non, non, la poésie, amour d’une âme forte,
L’antique poésie au monde n’est pas morte ;
Mais cette chaîne d’or, ce fil mystérieux
Qui liait autrefois la terre avec les cieux,
Notre orgueil l’a rompu ; devant tant de merveilles
Nous sommes aujourd’hui sans yeux et sans oreilles.
Quelques pâtres grossiers, des poètes enfants,
Plus forts que la science et ses bras étouffants,
Doux et simples d’esprit, seuls devinent encore
L’ensemble harmonieux du monde qui s’ignore,
De la terre et du ciel la secrète union,
Et les liens cachés de la Création.
Le monde est une chaîne électrique, mouvante :
Dieu tient par l’un des bouts cette chaîne vivante ;
Dans chaque anneau descend un invisible feu,
Qui, les parcourant tous, remonte jusqu’à Dieu.
Gloire, dans leurs hameaux, quand la nature entière
N’est plus pour le savant qu’une aride matière,
Un sujet de calculs orgueilleux et menteurs,
Gloire dans leurs hameaux, à ces humbles pasteurs !
Le monde est pour eux seuls une douce harmonie,
Et leur âme innocente à la sienne est unie.
Tout s’enchaîne à leurs yeux ; et le bruit de la mer,
La voix des animaux, les sifflements de l’air,
Tout leur parle et leur dit la vie universelle ;
Elle respire en eux, ils respirent en elle ;
L’abeille rit et chante autour de leur berceau,
Et l’humide matin pleure sur leur tombeau.

Quand Louise mourut à sa quinzième année,
Fleur des bois par la pluie et le vent moissonnée,
Un cortège nombreux ne suivit pas son deuil ;