Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les vents n’ont point bruni ses tempes, ni les mers
Reflété dans ses yeux leurs flots sombres et verts.
Marie ! ô brune enfant dont je suivais la trace,
Quand vers l’étang du Rorh tu courais avec grâce,
Tout en faisant les blés, toi qu’au temps des moissons
Les jeunes laboureurs nommaient dans leurs chansons,
Entends aussi ma voix qui te chante, ô Marie !
O tendre fleur cachée au fond de ma patrie,
Montre-toi belle et simple, et douce avec gaîté,
Pareille au souvenir qui de toi m’est resté,
Quand ta voix se mêlait, retentissante et claire,
Au bruit des lourds fléaux qui bondissaient dans l’aire,
Ou lorsque sur la meule, au milieu des épis,
Tu venais éveiller les batteurs assoupis.
Ne crains pas si tu n’as ni parure ni voile !
Viens sous ta coiffe blanche et ta robe de toile,
Jeune fille du Scorf ! même dans nos cantons,
Les yeux n’en verront pas de plus belle aux Pardons.
Mais de ces souvenirs dont l’ombre m’environne
C’est assez, feuille à feuille, éclaircir la couronne ;
Les fruits de mes amours qu’il me reste à cueillir,
Dans mon cœur, pour moi seul, je les laisse vieillir.

Bourgs d’Ellé, je reviens ! Accueillez votre barde !
Vieux Matelinn, l’aveugle, allons, prends ta bombarde !
Place-toi sur ta porte, et pour moi joue un air
Quand je traverserai le pont du Gorré-Ker !

O puissante nature ! En tous lieux, sur ta route,
Tu répands la beauté qui charme et qu’on écoute ;
De l’homme heureux et fort tu distrais les regards ;
Et, quand notre destin gronde de toutes parts,