Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/23

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rais le faire, ceux qui m’entourent ici et qui t’ont rendu ce pieux devoir. Leurs hommages plus complets que les vôtres, ne seront pas plus sincères. Ils t’accueilleront avec larmes ; ils t’élèveront peut-être un monument funèbre, comme celui que tu fis construire au savant grammairien celtique, à ce vénérable Legonidec, mort aussi comme toi loin des campagnes natales. Nous, ô mon ami ! nous garderons le souvenir de ton passage et le parfum vivifiant de tes inspirations.

« Adieu, mon cher Brizeux ! Au nom de tous ceux qui te connaissent et qui t’aiment ; au nom de tes confrères de Paris ; au nom de ceux qui, de divers points de la France, te sachant malade ici, m’adressaient des lettres si touchantes, si pleines de sollicitude, et que ta mort va désoler ; — au nom de tous, une dernière fois, adieu !»

fe ne fus pas seul à prononcer les adieux ; une société savante, l’Académie des sciences et lettres de Montpellier, était dignement représentée à cette cérémonie, et le membre qui prit la parole en son nom, M. Grasset, conseiller à la Cour impériale, exprima dans les termes les mieux sentis la sympathique douleur de ses confrères. Un homme de cœur, M. Théodore Serre, voulut saluer le barde en son langage. Vers ou prose, chacun apportait son offrande. Le ciel même, d’abord gris et voilé, dégagea bientôt sa lumière ; autour de nous, sur la route du cimetière, les buissons des champs frémissaient au soleil ; et moi, songeant à ces harmonies que le poète savait si bien comprendre, je me rappelais l’épisode de La Chaîne d’or, le convoi de la fille du pauvre, les fleurs d’avril pleuvant sur le cercueil, et le divin sourire de la nature si doucement associé aux tristesses d’un jour de deuil :

Ce n’étaient que parfums et concerts infinis,
Tous les oiseaux chantaient sur le bord de leurs nids.

Quelques jours après, un frère du poète venait chercher sa dépouille mortelle et la ramenait en Bretagne. Quand le cercueil entra dans le port de Lorient, une foule émue et recueillie s’empressa de faire cortège au barde d’Armorique. De l’endroit où