Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/24

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était creusée la tombe on apercevait l’Océan, et chacun se rappelait avec quelle vigueur le chantre si suave du Scorf et de l’Ellé avait peint aussi les tableaux de la mer, la Baie-des-Trépassés, les rochers de Penn-March, les grèves bretonnes, les mœurs des marins, les souvenirs des Celtes au bord des flots, et toutes ces îles sauvages où le christianisme fait éclore tant de merveilleuses fleurs sur le tronc rugueux du chêne druidique. En présence de ces grands spectacles complétés par l’évocation des souvenirs, au milieu de ces populations en pleurs, de nobles paroles furent prononcées. Un des plus anciens amis de Brizeux, M. Guieysse, dont le nom est consacré dans l’une des pièces de Marie et dans une page exquise des,/i> Histoires poétiques, M. le docteur Bodélio, son ami d’enfance, son condisciple au collège de Vannes, M. le capitaine Jury, attaché aussi au poète breton par les liens de l’esprit et du cœur, firent entendre comme une symphonie de regrets et de louanges à laquelle bien des âmes répondirent. Les plus touchants témoignages arrivaient de tous côtés. Que de fleurs délicatement choisies ! Que de strophes sans prétention, dictées par un sentiment pur ! Ici, c’était un ami, un disciple, M. Édouard Briault, qui publiait tout un recueil de chants à la mémoire du maître bien-aimé ; là, au contraire, c’était un vieillard vénérable, un des directeurs de la jeunesse de Brizeux, qui venait en pleurant réciter ses vers à son illustre élève. On le chantait dans ses deux langues : à la fin de la cérémonie funéraire de Lorient, un jeune ouvrier typographe, M. Le Godec, avait lu des strophes françaises adressées à Brizeux ; quelques semaines plus tard, un écrivain fidèle aux traditions de sa race, M. Luzel, s’écriait dans cette langue des Celtes que Brizeux maniait aussi en maître : « Brizeux est mort, le barde d’Arvor ! Il est mort pour revivre en un monde meilleur. Chantez le chant d’adieu, ô vous, forêts et mer ! » Ainsi dans un même sentiment éclataient toutes les voix de la Bretagne ; l’harmonieux idiome de la France nouvelle et l’idiome énergique des vieilles Gaules mêlaient leurs accents sur ce tombeau.

Enfin, comme des voix qui s’appellent et se répondent, du sud au nord, et de l’ouest à l’est, on vit se propager, avec la fatale