Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Marie


 
Rien ne trouble ta paix, ô doux Léta ! Le monde
En vain s’agite et pousse une plainte profonde,
Tu n’as pas entendu ce long gémissement,
Et ton eau vers la mer coule aussi mollement ;
Sur l’herbe de tes prés les joyeuses cavales
Luttent chaque matin, et ces belles rivales
Toujours d’un bord à l’autre appellent leurs époux,
Qui plongent dans tes flots, hennissants et jaloux :
Il m’en souvient ici, comme en cette soirée
Où de bœufs, de chevaux notre barque entourée
Sous leurs pieds s’abîmait, quand nous, hardis marins,
Nous gagnâmes le bord, suspendus à leurs crins,
Excitant par nos voix et suivant à la nage
Ce troupeau qui montait pêle-mêle au rivage.
J’irai, j’irai revoir les saules du Létâ,
Et toi qu’en ses beaux jours mon enfance habita,