Page:Brochard - Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne.djvu/372

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se placer au véritable point de vue et apercevoir l’enchaînement des causes naturelles. Il fallait donc, ou les abandonner à eux-mêmes, ou, par un moyen détourné, les amener au même résultat. C’est pourquoi Dieu leur a révélé la religion. La religion présente comme des décrets édictés par un législateur ou un roi les vérités qui résultent nécessairement de l’essence de Dieu. Elle remplace l’intelligence par l’obéissance, l’amour par la soumission et la piété ; mais, dans un cas comme dans l’autre, c’est la même vérité qui est enseignée sous deux formes différentes. La loi morale est l’équivalent de la loi naturelle, elle est la loi naturelle exprimée en un autre langage proportionné à la faiblesse humaine, mise à la portée de ceux qui n’ont pas le loisir ou le moyen d’approfondir la connaissance véritable. « Pour ce qui est de la loi divine naturelle dont le souverain précepte est, selon moi, qu’il faut aimer Dieu, je lui ai donné le nom de loi dans le même sens où les philosophes appellent de ce nom les règles universelles selon lesquelles toutes choses se produisent dans la nature ». Mais, d’autre part, « tous les moyens nécessaires pour atteindre la fin suprême des actions humaines, je veux dire Dieu en tant que nous en avons l’idée, peuvent très bien s’appeler des commandements de Dieu, puisque l’emploi de ces moyens nous est, en quelque sorte, prescrit par Dieu même, en tant qu’il existe dans notre âme, et par conséquent la règle de conduite qui se rapporte à cette fin peut aussi bien recevoir le nom de loi divine ». Comme en Dieu l’entendement et la volonté sont une même chose et ne diffèrent que par rapport à notre pensée, on peut dire également qu’il entend les vérités éternelles, ou qu’il les prescrit comme des commandements. Ainsi « Adam comprit la révélation non pas comme vérité éternelle et nécessaire, mais comme une loi, je veux dire comme un commandement suivi de récompense ou de punition, non par la nécessité même et la nature de l’acte accompli, mais seulement par le vouloir d’un prince et par son autorité absolue ».

Il est à peine besoin de remarquer qu’en formulant cette [