Page:Brochard - Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne.djvu/374

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vérité. Il enseigne encore la loi divine comme un décret ou une volonté de Dieu. Il ne sait pas qu’elle dérive essentiellement de sa nature ; il ne comprend pas toute la vérité qu’il enseigne, il n’en connaît que ce qui est nécessaire pour sa mission qui est de gouverner le peuple hébreu et de le conduire vers la terre promise. Il parle uniquement pour le peuple hébreu comme dans l’Ancien Testament : l’heure n’est pas arrivée où Dieu révélera la religion au genre humain tout entier et enseignera la foi vraiment catholique ou universelle. Seul, le fils de Dieu, Jésus-Christ, a eu la révélation pleine et entière de la vérité. Il est, non pas la parole, mais la bouche même de Dieu. Dieu s’entretient avec lui d’âme à âme : il lui communique son essence. Encore faut-il ajouter qu’en bien des cas, en vertu de la même nécessité qui a obligé Dieu à proportionner la révélation à l’intelligence de ceux à qui il s’adresse, Jésus-Christ, pour se faire comprendre de ses disciples, est obligé de recourir à des paraboles ou à des expressions indirectes.

Il s’agit ici d’un point si important qu’il faut citer les paroles mêmes de Spinoza : « A Jésus-Christ furent révélés immédiatement, sans paroles et sans visions, ces décrets de Dieu qui mènent l’homme au salut : Dieu se manifeste donc aux apôtres par l’âme de Jésus-Christ comme il avait fait à Moïse par une voix aérienne… On peut dire aussi dans ce même sens que la sagesse de Dieu, j’entends une sagesse plus qu’humaine, s’est revêtue de notre nature dans la personne de Jésus-Christ et que Jésus-Christ a été la voie du salut… c’est d’âme à âme que Jésus communiquait avec Dieu. » – « Il faut admettre que le Christ, bien qu’il paraisse, lui aussi, avoir prescrit les lois, au nom de Dieu, comprenait les choses dans leur vérité d’une manière adéquate, car le Christ a moins été un prophète que la bouche même de Dieu. C’est par l’âme du Christ (nous l’avons prouvé au chapitre Ier) que Dieu a révélé au genre humain certaines vérités, comme il avait auparavant fait aux Juifs par l’intermédiaire des anges, par une voix créée, par des visions, etc. Et il serait aussi absurde de prétendre que Dieu accommode [