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QUATRIÈME PARTIE

beaucoup d’efforts pour le descendre, ils le mirent sur un brancard, en chantant le Père et la mère Badinguet, et ils sont allés le précipiter dans la Seine.

Comme tout le monde, je m’en suis allée, suivant les quais pour me rendre chez moi.

J’étais tellement exaltée et transportée de joie, que chemin faisant sur le trottoir du Quai Voltaire, je rencontre un monsieur, bien mis, avec un ruban à sa boutonnière, je m’imagine que c’est mon mari, je lui saute au cou avec un tel transport, l’embrassant et lui disant :

— Quel bonheur, nous avons la république !

Ce monsieur me regarda d’une façon étrange ; alors je revins à la raison, honteuse et confuse, je lui fais mes excuses.

— Il n’y a aucun mal, Madame, me dit-il ; si toutes les personnes étaient aussi convaincues que vous, la République serait un bienfait et le paradis sur la terre.

Arrivée au coin de ma rue, je laisse passer la foule qui se dirigeait vers l’Hôtel de Ville, et je suis rentrée chez moi. Je trouvai ma famille qui m’attendait avec impatience ; comme une folle, je rentre précipitamment, je les embrasse tous, à tour de rôle ; mon cher petit, me voyant si joyeuse, tapait avec ses deux petites mains, il riait de si bon cœur, le chéri, il ne comprenait pas pourquoi j’étais si joyeuse, il se réjouissait de confiance.

Nous prîmes quelque nourriture, après nous allâmes tous les trois voir ce qui se passait à l’Hôtel de Ville, nous avions emmené notre bébé avec nous.