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QUATRIÈME PARTIE

comme travailleuse, je n’ai jamais mis les pieds dans une usine, ni même dans un atelier. Pour mon premier pas dans la vie tumultueuse, cela me semblait bien sinistre. Pourtant, me disais-je, tu as désiré être utile, tu dois te soumettre, et faire ce que le devoir t’ordonne. J’ai donc résisté. J’ai accompli mon devoir jusqu’à la dernière heure, j’ai vu des drames affreux, mais moins écœurants.

Après ce triste spectacle j’étais heureuse de me retrouver avec ma famille ; je revoyais mon cher petit ange, ses beaux yeux et son doux sourire me réconfortait, il me tendait ses petites mains si je lui apportais des petits riens, il était si content et si heureux ; je partageais entre mon chéri et notre petit abandonné le peu que je possédais, j’avais pour un instant fait des heureux.

Chers petits, ils ne comprenaient pas la préface du drame affreux qui se déroulait ; par instants, ils sentaient bien qu’il y avait un changement dans la manière dont on les soignait ; plus de promenades régulières, une foule de choses manquait, entr’autres le lait, on osait à peine s’en servir. Je me souviens du chagrin de mon cher enfant lorsqu’il fallut l’habituer à boire à la bouteille, il acceptait encore à boire dans un verre, à ce moment là, nous avions encore du lait potable, quoi qu’additionné d’eau, mais quelques jours après, ce n’était pas du lait qu’on nous vendait, c’était un horrible mixture, composée de cervelle de…, je n’ose le dire… de veau disait-on ; mais puisqu’il n’y avait pas de veau ? de cervelle de quoi, ou de qui cela pourrait-