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QUATRIÈME PARTIE

avait commencé. Dès la proclamation du 4 septembre, on aurait dû changer de tactique, former de nouveaux cadres. Parler, c’est bien, mais agir, c’est mieux.

Les vieux généraux, à quelques exceptions près, n’avaient pas d’intérêts à mieux faire. On aurait dû mettre à la retraite tous ceux qu’on savait hostiles à la République, et surtout les suppôts de l’empire. C’est ce qu’on n’a pas fait.

Ce jour-là, vers les 10 heures du soir on battit le rappel dans la rue de Beaune, notre compagnie devait se joindre à notre bataillon, commandé par le colonel de G., qui était dans la rue du Bac, attendant les diverses compagnies. M. du Q., notre capitaine me dit :

— Nous allons aux avant postes ; s’il arrivait que vous fussiez tuée, la compagnie adopterait votre fils.

Je l’ai remercié pour l’éventualité.

— Pour moi, lui ai-je répondu, je suis fataliste, va où tu peux, mourir où tu dois.

Aussitôt que nous fûmes réunis, nous quittâmes la rue du Bac pour rallier les compagnies de marche, échelonnées le long de la Marne avec l’armée régulière, les mobiles, le 106 et le 116 de la Garde Nationale. On nous fit faire halte dans une prairie, non loin des postes avancés, les officiers firent mettre les fusils en faisceaux ; on voyait à quelque distance les mouvements des troupes prussiennes ; malgré le froid, on n’avait pas allumé de feux de bivouacs. Les fumeurs même devaient s’abstenir d’allumer leurs cigarettes. Quelques gardes nationaux pourtant, énervés de l’attente vaine, comme involontairement battirent le