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QUATRIÈME PARTIE

Le supérieur vint au parloir, mon mari me présenta, naturellement je remerciai le religieux de ce qu’il avait fait pour lui, car ni parents, ni amis n’ont voulu s’exposer pour lui sauver la vie.

Mon mari lui raconta mon embarras, disant que je ne savais où aller coucher, que je n’avais pas même la ressource d’un hôtel car on n’y logeait plus les étrangers. Le supérieur réfléchit un moment, puis il dit : « Mais Jean, (c’est ainsi qu’il appelait mon mari) je ferai mettre un second lit de fer, et madame pourra coucher là, si elle n’y voit pas d’inconvénient ; ce n’est pas un palais, c’est un abri que je vous offre de bon cœur. Le frère tourier vous apportera la nourriture ; nous avons d’excellent lait. »

Je remerciai le supérieur de l’hospitalité qu’il voulait bien m’offrir[1].

Alors je racontai devant le supérieur, ce que j’avais fait pendant le siège ; mon mari et lui étaient étonnés et m’en félicitèrent.

Je lui ai dit aussi que j’avais un laissez-passer en blanc pour mon mari. Très bien, me dit-il, l’affaire marchera toute seule. Ici, nous avons une ambulance française, mais les Prussiens ont mis ambulance allemande. Nous avons encore une salle où sont nos blessés français. Je vais m’entendre avec le docteur ; il donnera un certificat de sortie, sous le nom de Jean Renaud (nom de la famille de ma mère) on remplira le laissez-passer, et vous irez à la préfecture le faire

  1. Car ce n’était pas la règle du couvent de recevoir une dame ; mais, comme il le disait lui-même, pendant la guerre tout est possible.