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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

viser au bureau du prince Frédéric-Charles, de cette façon vous pourrez partir ensemble. Il sortit et me salua.

Après cet entretien, j’ai accompagné mon amie jusque chez elle où j’ai soupé, et je suis revenue au couvent.

J’y suis restée quatre jours, je fus bien soignée ; en dehors des repas, le frère tourier m’apportait de bon lait à 10 heures du matin et à quatre heures de l’après-midi. Je ne l’ai jamais vu ; la porte de notre chambre donnait sur un vestibule sur une table, ce frère déposait ce qu’il m’apportait ; il frappait deux petits coups à la porte, je savais ce que cela voulait dire, mon mari m’ayant initiée.

Dans la soirée, mon mari me raconta comment il s’était évadé :

« J’ai été fait prisonnier à la reprise d’Orléans par l’armée prussienne, le 3 décembre ; je fus désarmé et enfermé dans la cathédrale, où il y avait déjà une grande quantité de soldats de tous les corps d’armée, l’église était remplie depuis l’entrée jusqu’au fond de la nef, nous étions tous pêle-mêle, jetés là, sans avoir même de paille pour nous reposer, recevant une nourriture presque nulle ; à travers la grille de pauvres femmes venaient en cachette nous passer du pain qu’elles cachaient sous leur tablier. Cet état de choses dura assez longtemps, chaque jours les officiers supérieurs venaient faire un choix et emmenaient leurs prisonniers, le troupeau diminuait petit à petit, enfin nous n’étions plus que six dans la cathédrale, tous