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CINQUIÈME PARTIE

Nous avons puisé des forces nouvelles pour soutenir et aider nos malheureux amis, pour les transporter, et d’abord leur faire le premier pansement avant de les déposer dans les voitures d’ambulances ou sur des civières[1].

Malheureusement tout nous manquait, nous n’avions pas de bandes pour les pansements, nous étions obligées de faire boire ces malheureux dans de petites boîtes à cartouches. Malgré tout, ces mutilés ne proféraient pas une plainte, pas un regret ; ils souffraient, mais ils avaient l’air contents d’avoir repris le fort ; heureux de donner leur vie pour fonder une société plus juste et plus équitable. Pour nous tous, République était un mot magique qui allait faire accomplir de grandes et bonnes choses pour le bonheur de l’humanité. Vainqueurs d’un jour, ils entrevoyaient l’aurore nouvelle qui allait se lever sur la France pour le bonheur de chacun.

En revenant de l’ambulance nous trouvons enfin dans la rue notre fourgon qui était abandonné, il contenait toutes les choses promises, il était arrivé dans l’après midi. Au grand séminaire où se tenait l’état-

  1. La plupart d’entre eux furent atteints par des balles mâchées pour ma part j’en ai extrait quatre, elles avaient pénétré dans les chairs ; on ne pouvait détacher l’étoffe ni de la balle, ni de la plaie ; la fièvre se propageait rapidement et le blessé mourait vite. Les balles mâchées sont presque toujours mortelles. Lorsque nos blessés furent déposés dans les voitures nous les conduisîmes à l’ambulance d’Issy (asile des vieillards) dirigée par des religieuses, nous les laissâmes et nous leur promîmes de venir les voir dans la soirée.