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SIXIÈME PARTIE

Le citoyen Louvel de Montmartre, un des nôtres, homme sérieux d’une quarantaine d’années environ, me dit : « Dans un moment nous serons découverts, il n’y a pas de résistance possible, il faut subir notre sort, nulle issue pour fuir ; la porte de Romainville est occupée par l’armée prussienne, mais vous, je désire que vous tentiez la fuite.

(Au rez-de-chaussée, où nous étions, il y avait une petite fenêtre donnant sur les remparts.)

» je vais vous passer par la fenêtre, laissez-vous glisser, vous avez l’air jeune, peut-être ne serez-vous pas remarquée, on vous prendra pour un gosse du quartier. Si nous sommes fusillés, tant pis, nous avons fait notre devoir. »

Je fis de la résistance ; ce brave camarade me dit :

« Vous avez encore votre mère, pensez à elle et à nous, nous n’avons plus que quelques instants, vous entendez la rumeur, mettez en sûreté notre drapeau, brûlez le, plutôt que de le laisser prendre aux Versaillais, si vous parvenez à fuir, gardez-le comme un trésor, et qu’il soit encore une fois à la tête des défenseurs du droit pour l’humanité, au cas où une révolution nouvelle surviendrait. »

Le cœur serré, je fis ce que mes amis me conseillaient. Pendant les évènements, j’ai toujours porté un maillot qui m’enveloppait du cou au pieds, sur cette combinaison, j’enroulai autour de moi notre drapeau, de la taille à la partie supérieure de la poitrine ; aussitôt que je me fus revêtue : « Je suis prête à faire ce que vous voulez », leur dis-je.