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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

le lit ; les soldats, fouillant l’immeuble, envahissent la chambre, le pauvre diable est arrêté, on lui visite les mains pour savoir s’il avait tiré ; elles n’étaient pas sales, mais il vient à l’idée d’un soldat zélé de visiter la chambre et le lit sur lequel le jeune homme s’était couché ; on y découvre un fusil caché ; par un simple hasard le pauvre enfant est perdu ; le propriétaire du fusil est absent, il est probablement mort !

Au coin opposé en pan coupé, il y avait un marchand de vin, le jeune homme fut adossé au mur.

On raconta à sa mère que son fils venait d’être arrêté. Elle accourt, folle de désespoir, elle se jette aux pieds de ces fusilleurs :

— Grâce ! Grâce ! dit-elle, mon fils n’a rien fait, mon mari a été tué dans la mêlée. J’ai six enfants ; mon fils est l’aîné, il est bon garçon, travailleur, il est mon seul soutien. Comment ferai-je pour élever mes petits si vous tuez mon enfant. Il n’a fait de mal à personne.

Rendez-moi mon fils, je vous en supplie. Vous aussi vous avez des mères et des frères qui vous attendent.

Les soldats légèrement émus hésitaient, mais en vain, tout à coup survint un officier qui, ne sachant pas au juste ce qui se passait, dit : « Faites votre devoir, fusillez-moi ça. »

La mère se relève pleine d’énergie et dit à son fils :

— Que puis-je faire pour toi ?

— Mère, dit-il, j’ai soif, apporte-moi à boire.

La mère bravement va au cabaret d’en face, apporte à son fils un verre de vin ; lui, élève son verre, crie :