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SIXIÈME PARTIE

« Vive la Commune ! » le porte à ses lèvres et boit le contenu d’un trait. Il embrasse sa mère : « Tu embrasseras les gosses pour moi. » Se collant au mur, regardant les soldats en face, il met ses bras derrière le dos : « Je suis prêt ! »

Une décharge part. Tout est fini !

La pauvre mère s’écrie en leur montrant le poing : « Tas de lâches ! Tas d’assassins ! » Ils n’ont pas eu le courage de l’arrêter.

Après cette triste tragédie, je quitte la rue Haxo, je prends la rue des Prés-St-Gervais, je descends la Grand’rue de Paris ; partout des morts entassés ; des maisons en flammes. J’arrive près de la mairie, c’est effrayant à voir ; il y a des monceaux de corps humains, des femmes, des enfants empilés, des fédérés, parmi eux, deux des nôtres, à en juger par le costume.

J’entre chez un marchand de vin où nous avons été la veille. La femme était seule, elle me raconte qu’au moment de l’envahissement de la troupe, au milieu d’une panique épouvantable deux des nôtres se sauvant, sont allés se réfugier dans la mairie et se sont cachés derrière les battants de la grosse porte, avec plusieurs autres fédérés. Ils y furent écrasés.

Sur la place de la Mairie, j’ai vu des choses inouies, dégoûtantes. Sur une pile de morts il y avait une pauvre petite fillette qui pouvait avoir dans les huit ans, jolie, aux cheveux blonds bouclés ; un mauvais plaisant sans doute, de cette troupe de lignards avinés, avait eu la monstrueuse idée de relever les jupes de la pauvre petite, jusqu’à la poitrine.