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PREMIÈRE PARTIE

Sous les yeux des soldats on continuait gaîment à monter des barricades, tout en chantant. Quelques gamins de Paris disaient en riant aux officiers : « Eh ! ne tirez pas sans nous avertir, au moins ! Criez gare ! » Les officiers eux-mêmes se mettent à rire.

La fusillade se faisait entendre de tous côtés. De temps en temps des bandes d’ouvriers et de gardes nationaux passaient en chantant sur les boulevards. Sur les onze heures du soir, au moment où l’une d’elle arrivait à la hauteur du ministère des affaires étrangères, boulevard des Capucines, un bataillon du 14e de ligne, sous les ordres du lieutenant-colonel Courant, et du commandant de Bretonne, à la suite d’un coup de feu isolé, et sans ordre, fit feu de toutes armes, 50 personnes furent couchées à terre, parmi lesquelles 23 cadavres.

23 février. La fusillade éclate sur un grand nombre de points, on entend battre le rappel, c’est la Garde Nationale qui se rassemble, mais avec l’intention de ne pas combattre l’émeute. Presque partout des légions poussent des cris de : « À bas Guizot ! Vive la République ! Vive la réforme ! » L’insurrection grandit de toutes parts. Guizot se voyant vaincu, vient lui-même à la tribune de la chambre des députés annoncer qu’il descend du pouvoir, et que Molé est chargé, de par le roi, de former un nouveau cabinet. Des courriers vont partout porter la nouvelle pour calmer le peuple. Le préfet de police disait : C’est une émeute qu’il faut laisser passer.

Ma mère et moi nous avons vu des scènes navrantes.