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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

Le temps était pluvieux, le ciel était sombre, il faisait à peine clair dans les rues. Nous entendions un grand bruit sourd et confus, ma mère était anxieuse. Elle veut savoir ce qu’il y a autour de notre maison ; de tous les côtés s’élèvent des barricades. Aux halles une foule énorme, très excitée se met à l’œuvre, on entend des coups de fusils retentir en tous sens. Il y a une confusion extraordinaire. Nous apprenons que Guizot a donné sa démission, qu’au ministère on a trouvé des listes de proscriptions, sur lesquelles se trouvent les noms des principaux journalistes de la presse démocratique, des chefs de sociétés secrètes et des hommes les plus influents du parti radical. Ma mère commence à être inquiète.

Une foule résolue afflue par les rues St-Martin, Rambuteau, St-Merry. Dans toutes les rues étroites s’élèvent des barricades. Je me souviens encore d’avoir vu l’Église St-Merry envahie par des personnes cherchant un refuge ; à ces barricades du Cloître St-Merry, il y eut pas mal de pauvres diables qui furent fusillés.

Près de la Fontaine des Innocents, autour de laquelle il avait alors une place assez petite, sur les marches entourant la fontaine, quelques orateurs mettent le peuple de ce quartier au courant de ce qui se passait au Palais Bourbon.

Les ouvriers commencent à faire feu, les tirailleurs ripostent. À peine a-t-on cessé, que les ouvriers (ou insurgés) et les soldats échangent des paroles amicales. Les femmes des halles offrent des vivres aux soldats, en les priant de ne pas tirer sur leurs frères.