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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

de leur intérêt de ne compter que sur eux-mêmes pour s’affranchir, mais que pour cela il ne leur faut rien négliger pour s’instruire, chose plus facile à faire qu’on ne le pense, si on calcule tout le temps perdu au cours de l’année, en banalités de toutes sortes, par exemple : à passer des heures entières dans un cabaret où l’on respire un air malsain.

En 1867, mon fils était toujours faible, le Dr Dupas me conseilla, dès le printemps, de l’envoyer à la campagne, la nature lui ferait plus de bien que tout ce qu’on pourrait lui donner à Paris. Nous suivîmes son conseil.

À mon grand chagrin, je fus obligée de me séparer de lui, il partit avec ma mère, qui l’adorait, je savais qu’il serait heureux. Ils allèrent dans notre famille aux bords de la Loire, climat plus sain que celui de Paris.

Inutile de dire que ce fut un grand chagrin pour moi. Pour me consoler, je pensais que je n’étais pas seule à avoir des malheurs, qu’ils étaient peu de chose en comparaison de tout ce qui se passait autour de nous, et dans l’humanité, les guerres continuelles, la tyrannie qui oppressait la France, la lutte incessante occasionnée par la misère qui augmentait de jour en jour.

La Seine, ce tombeau des désespérés, ne rend pas toujours ceux qu’elle engloutit dans son sein.

Je ne pouvais m’apitoyer sur moi-même, cela m’aurait semblé de l’égoïsme.

Je me sentais des forces pour être utile aux autres. J’ai toujours trouvé plus malheureux que moi, il n’est