Page:Brochet - La Meilleure Part.djvu/20

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— Zut !… mes petits pois qui brûlent ! s’exclama le cuisinier improvisé en se précipitant vers le fourneau. Et il tenta d’arrêter l’incendie en noyant les malheureux petits pois avec tout le contenu d’un pot à eau.

Gisèle n’avait pas fait un mouvement. Un jour pareil, alors que toute sa carrière venait de se décider (du moins, elle le croyait !) elle se moquait bien des petits pois ! Yves comprit à cette minute que, s’il épousait Gisèle, il connaîtrait souvent les repas bâclés, pas cuits ou carbonisés. À moins qu’il ne se transforme lui-même en marmiton… À moins que les gros cachets de Gisèle, devenue réellement vedette, ne leur permettent d’avoir une cuisinière… Mais cette idée-là lui paraissait encore plus pénible. Vivre dans un luxe gagné par sa femme lui semblait, comme à beaucoup d’hommes, humiliant et intolérable. Telles étaient les pensées qui se succédèrent dans son esprit en quelques secondes, tandis que M. Nadeau se débattait dans un nuage de vapeur et que Gisèle fixait son fiancé d’un air dur. Elle parla enfin, d’une voix basse, mais agressive :

— Vous ne croyez pas à mon avenir ?

Elle avait repris le « vous » pour lui faire comprendre à quel point elle était fâchée. Il répondit sans se démonter :

— Je crois simplement que vous vous « emballez » trop vite. Vous m’avez dit souvent vous-même que, dans ce métier, rien n’est sûr tant que le contrat n’est pas signé. Or, dans cette affaire, vous n’avez aucune certitude. Des paroles en l’air…

— Vous insinuez que M. Brévannes m’a menti ?

— Mais non ! Sur le moment, ces gens-là sont toujours sincères. Il vous a trouvée jolie, il a eu envie de vous être agréable, c’est normal… Mais demain, on lui proposera ou on lui imposera une autre artiste… Le choix ne dépend pas que de lui !

Les arguments d’Yves étaient très justes, et Gisèle le savait bien. Mais elle s’accrochait à son rêve, elle voulait qu’il devint réalité ! Elle aurait voulu être dopée par des encouragements, des projets merveilleux, et voilà que le jeune homme lui montrait la fragilité de ses espérances. Elle se cabra.

— Vous cherchez toutes les raisons de me faire de la peine ! jeta-t-elle, les yeux luisants des larmes de la colère. Yves, ému, se rapprocha d’elle.

— Pardon… Mais c’est pour vous éviter de souffrir davantage plus tard, si, par malheur, cette affaire n’a pas de suite…

— « Par malheur ! » ricana-t-elle. Dites donc ce que vous pensez : « par bonheur ! » Je le vois bien, vous sou-