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— Mon fiancé… répéta Gisèle pensive.

Et en elle-même, elle se demandait : « Restera-t-il mon fiancé ? » Puis, avec un geste d’insouciance, elle conclut : « À demain les affaires sérieuses ! Aujourd’hui doit être un jour de fête : l’espoir est entré dans mon cœur ! »


V

Plusieurs jours s’écoulèrent sans qu’Yves revît Gisèle. Il savait que, s’il ne faisait pas les premiers pas, elle n’essaierait pas de renouer avec lui. Mais il ne pouvait se décider… Cette séparation lui semblait un arrêt du Destin. De toute évidence, Gisèle n’était pas faite pour lui, et lui n’était pas fait pour elle ; alors, ne valait-il pas mieux que chacun suivit sa route ?

Certes, malgré ces sages réflexions, Yves ne pouvait se défendre d’une certaine tristesse. Des fiançailles manquées laissent toujours une impression décourageante. Yves se reprochait d’avoir agi avec l’étourderie d’un collégien : il avait été fasciné par la beauté de Gisèle, et il avait « marché à fond », sans même se préoccuper de ces choses si importantes : la mentalité, le caractère, les goûts de la jeune fille… Maintenant, après l’échec de cette expérience, il se retrouvait déçu, un peu honteux de son « emballement ».

Il eût même été sujet au « cafard » si, par bonheur, il n’avait eu près de lui, au bureau, une charmante consolation en la personne d’Annie Vilard. La secrétaire ignorait que les fiançailles de l’ingénieur étaient à peu près rompues ; leurs relations étaient restées les mêmes, celles de bons camarades, avec une nuance condescendante de la part d’Yves, une nuance déférente de la part d’Annie, Yves Lebonnier ne faisait pas la cour à sa dactylo, comme il l’avait faite à la précédente. D’abord, parce que, en attendant une rupture officielle, il se considérait toujours comme lié à Gisèle ; ensuite, parce qu’il sentait confusément qu’Annie était au-dessus des fadeurs, des compliments sucrés dont Gisèle était gourmande.

Un soir d’été, comme la journée avait été chaude et orageuse, Yves, en sortant du bureau, franchit la grille dorée du parc Monceau, où il se promenait autrefois avec Gisèle. Les ombrages, les pelouses verdoyantes et les parterres éclatants sous les jets irisés des pluviôses, donnaient une sensation de fraîcheur et d’apaisement. Les promeneurs étaient nombreux, et les enfants s’ébattaient en piaillant comme des moineaux. Un bambin tout petit, qui courait dans une allée, trébucha et tomba ; aussitôt, une jeune fille