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La Meilleure Part

de Janie DALLIER

I

Ce soir, Yves, j’ai une chose très importante à vous apprendre…

Le ton solennel de Gisèle alerta immédiatement la vigilance du jeune homme. Depuis qu’il l’aimait, et surtout depuis qu’elle l’avait accepté comme fiancé, il était sur le qui-vive. Non que Gisèle fût volage ou déloyale, certes ! Elle l’aimait sincèrement, il en était sûr, et il n’avait aucun rival à redouter. Mais ce bonheur auquel il avait accédé trop facilement lui faisait peur. Il restait encore tout étourdi de son aventure. Dans les bureaux de la grande entreprise métallurgique où il travaillait en qualité d’ingénieur, Gisèle avait été engagée comme secrétaire-dactylo, et tout de suite Yves Lebonnier en était tombé amoureux. Il n’était pas le seul ! Gisèle Nadeau était une de ces ravissantes créations de la nature que le goût parisien, l’art et un soupçon d’artifice transforment en chefs-d’œuvre vivants. Elle savait éclaircir et dorer ses cheveux, désherber ses sourcils, ombrer ses longs cils bruns sur ses yeux d’aigue marine, souligner le dessin de la bouche, entretenir la finesse de ses mains, s’habiller avec une élégance impeccable, pimentée d’une note d’excentricité, Son éclat, la grâce de ses mouvements, sa désinvolture aussi, lui donnaient l’air d’une princesse parmi les autres dactylos.

— Elle ne restera pas longtemps ! avaient prédit tout de suite les collègues d’Yves Lebonnier. Et les suppositions allaient leur train. Le gros Maurice, romanesque à ses heures, annonçait qu’elle allait séduire un milliardaire américain ; mais Albert, plus moderne, répliquait d’un ton railleur :

— Mon pauvre vieux ! Tu en es encore aux Contes de Perrault ! Mais à notre époque, les jolies filles comme Gisèle