Page:Broglie - La morale évolutioniste.djvu/57

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logie biblique placent le déluge, et la géologie oblige de remonter plus haut encore. Il faut donc renoncer complètement au vieil argument des livres d’apologétique d’autrefois, selon lequel la véracité de Moïse pourrait être établie, en observant qu’entre Adam et lui, il n’y a eu qu’un petit nombre de témoins interposés. Tout au contraire, il est certain qu’il y a trop loin entre les origines et l’époque où la tradition hébraïque a été mise par écrit pour que cette tradition puisse posséder une certitude historique.

La certitude que nous possédons, comme chrétiens, sur l’origine de l’homme repose sur un autre fondement. Elle s’appuie sur la parole divine et l’inspiration du texte sacré, laquelle, à son tour, nous est garantie par les faits surnaturels, cette fois pleinement historiques, que nous atteste le Nouveau Testament. Nous en sommes donc réduits, si nous voulons étudier par la raison seule et sans nous appuyer sur la foi, les origines de l’humanité, à des inductions et à des hypothèses. Il est également impossible de prononcer avec certitude, par la raison, que le premier homme a été un sauvage proche de l’animal, ou qu’il a été un simple enfant, ou un adulte possédant une science déjà étendue. Ces questions sont insolubles par la science humaine. Examinons néanmoins les arguments probables apportés en faveur de l’état, non seulement sauvage, mais semi-bestial des premiers hommes. Ils sont au nombre de trois principaux :

On s’appuie d’abord sur l’hypothèse que, la civilisation étant le résultat d’un progrès, les êtres actuels les moins civilisés, c’est-à-dire les sauvages, doivent être considérés comme des types des premiers hommes, comme des hommes primitifs restés en dehors du courant du progrès. Or, dit-on, les vrais sauvages sont des êtres sans moralité et sans religion, ainsi ont dû être les premiers hommes.

Le second argument se tire des découvertes paléontologiques. Les premiers hommes dont nous trouvons les restes, ceux des temps quaternaires, ne connaissaient pas les métaux ; ils habitaient dans des cavernes et vivaient de leur chasse ; ce sont là les véritables premiers hommes. D’après la grossièreté générale de leur vie, on doit supposer que les idées morales leur étaient inconnues comme les notions scientifiques.

Une troisième preuve se tire des récits des anciens historiens. On y trouve sur les mœurs des peuples antiques des renseignements qui montrent que la plupart des lois morales étaient inconnues des anciens peuples et n’apparaissent qu’avec la civilisation.

Discutons chacun de ces trois arguments. Et d’abord les sauvages actuels sont-ils vraiment les types des premiers hommes ? Sont-ils des soldats retardataires restés en route, pendant que le reste de