Page:Broglie - La morale évolutioniste.djvu/68

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gravée dans la conscience, volonté du père ratifiée par Dieu, et à laquelle la conscience prescrit d’obéir, telle est la forme de la loi morale.

Dans les premières familles, cette morale n’avait point la forme abstraite que lui donnera plus tard le langage philosophique. Elle n’était pas fondée sur le raisonnement, sur l’étude du cœur humain ni sur les besoins de la société. La philosophie, œuvre de la pensée réfléchie, ne doit venir que plus tard. C’était une morale concrète, qui se composait de règles relatives aux relations personnelles, tant entre les divers membres de la famille qu’entre l’homme et son Créateur.

Quel devait être le principe des prescriptions de cette morale ? Vers quel but tendaient ses prescriptions ? Ce n’était pas vers le simple développement de la race humaine, aux dépens des individus. La conservation de l’espèce est la loi suprême des animaux, mais il faut une autre loi à l’humanité. L’humanité se compose de véritables personnes, c’est-à-dire d’individus libres et responsables. C’est pour les individus que la morale est faite, et non pour la simple conservation d’un type spécifique.

La loi morale avait-t-elle pour but unique le progrès et le bonheur de la société humaine sur cette terre ? Nous ne devons pas le supposer. Être religieux, en rapport avec le monde invisible, capable de connaître le Créateur et d’espérer une vie future, l’homme n’a pas pour fin son bonheur ici-bas. Il a pour fin le bonheur futur mérité par la vertu. Il forme, non pas une société formée d’êtres visibles, mais une société qui communique avec des êtres invisibles et un monde supérieur. Dès lors les prescriptions de la loi morale ne devaient pas avoir pour but unique le bonheur général ici-bas. Ce bonheur peut être dans une certaine mesure le résultat de la pratique de la vertu. Mais il n’en est pas le motif suprême. C’est la perfection morale des individus et par là même leur adaptation au bonheur futur et à la société avec Dieu qui est le but des prescriptions que l’homme a du recevoir de son Créateur. C’est d’après ces principes que nous pouvons présumer quelles ont du être les lois primitives de la famille humaine.

Notre-Seigneur nous dit qu’à l’origine la loi du mariage a été la monogamie et l’indissolubilité. Rien de plus vraisemblable aux yeux de la raison. Cette loi est la loi parfaite, conforme à la nature humaine. Elle est aussi la loi nécessaire pour un premier couple unique dont tous les hommes déscendent.

Il est plus difficile de comprendre comment cette propagation à partir d’un premier couple a pu se faire sans violer une autre loi naturelle, celle qui défend l’union entre les frères et les sœurs. Il