Page:Broglie - La morale évolutioniste.djvu/73

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du pouvoir civil, et doué par Dieu de la lumière et de la force nécessaires pour conserver la doctrine dans sa pureté. Grâce à cet ensemble de doctrines, à cette organisation plus parfaite, les notions philosophiques et morales deviennent plus élevées, plus vraies et plus précises. Plus de difficulté pour le chrétien à distinguer les lois humaines des lois de Dieu. Les lois ecclésiastiques elles-mêmes, tant qu’elles sont variables et dépendantes de la volonté de l’Église, sont, aisément distinguées des vraies lois divines. Celles-ci encore se subdivisent en lois positives que Dieu peut abroger, comme il l’a fait pour celles de Moïse, et lois naturelles qui sont immuables. S’unissant sans peine à la philosophie païenne dans ce qu’elle avait de plus élevé, le christianisme reconnaît dans cette loi éternelle, dont parle Cicéron, dans le Bien absolu de Platon, source du devoir, la nature divine elle-même. Le christianisme admet l’existence de cette morale divine même chez les païens qui portent la loi naturelle en eux.

Munie de ces principes nouveaux et en possession de l’organisme indestructible de l’Église destinée à les conserver, l’humanité a pu reprendre sa marche. Ce qui lui reste à faire, c’est de propager l’Évangile et d’en comprendre mieux l’esprit et de le mettre en pratique. Agrandissement extérieur, connaissance plus exacte de la doctrine, accomplissement plus parfait des préceptes, telle est la tâche qui est imposée aux générations futures. Elles ne peuvent pas espérer s’élever plus haut que les apôtres et la première génération chrétienne. Les débuts du christianisme sont tels, qu’il atteint du premier coup le sommet de la perfection. Mais cette perfection première a bientôt diminué le monde, avec ces préjugés et ses vices, est entré dans l’Église ; la barbarie même s’y est quelquefois glissée. Il a fallu revenir vers le type primitif. Il a fallu lutter pour remonter le courant des passions. L’histoire de l’Église est pleine de récits de réformes essayées et accomplies. Au milieu de ces réformes, le progrès s’accomplit, l’Évangile est mieux compris et mieux connu, et les mœurs se conforment davantage à ce type idéal. Depuis l’Évangile, l’humanité est remontée à un niveau moral plus élevé. Son idéal étant toujours devant ses yeux, il y a des défaillances morales qui ne sont plus possibles. Il y aura encore bien des actes coupables, bien des violations des grandes lois de la chasteté et de la charité et même de la justice. Mais jamais, tant que la lumière chrétienne brillera, les hommes ne pourront redescendre jusqu’au niveau de l’antiquité païenne.

Telle est l’histoire véritable des idées morales dans l’humanité. Elle est, comme on le voit, bien différente de la théorie des évolutionistes. Au lieu d’admettre, comme cette théorie, un point de