Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/103

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points où quelques travaux suffiraient pour atteindre le seul but qu’il fût raisonnable de se proposer. L’empereur m’écouta sans m’interrompre, en lançant sur moi un regard sévère. Quand je lui demandai ses ordres, il se leva sans me répondre, et me dit : Quand on est ingénieur, il faut être ingénieur ; puis il se mit à marcher rapidement, arpentant la chambre dans le sens de sa longueur, et répétant : Quand on est ingénieur, il faut être ingénieur. Ce n’est pas la peine d’être ingénieur, si l’on n’est pas ingénieur ; puis, lorsqu’il se fut ainsi promené pendant un quart d’heure environ, il ouvrit la porte de sa chambre, sortit et me dit en la fermant avec violence : et un ingénieur doit être sans pitié. Il ne me donna aucun ordre, et rien ne se fit. »

De Fiume, je me mis en route pour Carlstadt, capitale de la Croatie proprement dite, où commandait le général Carra Saint-Cyr, que je connaissais depuis longtemps, et j’arrivai enfin à Pétrinia, vers le commencement du carnaval, qui, sans doute, n’y devait pas être fort gai. Je n’en fis pas l’épreuve, car à peine commençais-je à m’y installer et à déballer mon modeste équipage, que je reçus du duc de Raguse, gouverneur général des pro-