Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/135

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des grandes catastrophes, dont se repaît, faute de mieux, la malignité publique.

Je rentrai chez moi vers trois heures du matin. Je demeurais alors rue de la Madeleine, au coin de la rue de la Ville-l’Évêque, dans une maison adossée à un chantier qui n’existe plus. Les scènes terribles auxquelles je venais d’assister me poursuivaient dans mon sommeil, ou plutôt dans cet assoupissement nerveux qui suit les grandes agitations, et qui n’est ni le sommeil ni la veille ; au point du jour, je m’endormis tout à fait, et ne tardai pas à me réveiller en sursaut : je rêvais ce que j’avais vu, quelques heures auparavant, sauf la différence du rêve à la réalité ; il me semblait que le plafond de la salle de bal s’écroulait sur ma tête ; c’était une des piles de bois du chantier voisin qui dégringolait à grand bruit ; je me jetai hors de mon lit, tout trempé d’une sueur glacée.

Ce triste événement mit un terme aux réjouissances publiques, et livra, sans aucun mélange d’illusions, les esprits clairvoyants aux inquiétudes que faisait naître l’approche d’une guerre avec la Russie, dont le mariage autrichien était le prélude, et celle plus inévitable encore d’un schisme au sein de l’Église.