Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/142

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cas, l’aurait nommé certainement ministre de l’intérieur, s’il ne s’était défié de la société dont M. Regnault se laissait entourer.

Je n’ai connu de cette société que la partie ésotérique, si j’ose ainsi parler, celle qui se réunissait le soir chez madame Regnault, personne bien née, belle, élégante, et fort de la cour. C’était une réunion très mêlée, où se rencontraient familièrement des hommes publics, des hommes d’affaires, des gens du monde, des gens de lettres, des femmes à la mode comme madame Regnault elle-même, spirituelles comme madame Hamelin et madame Gay, mais où, il faut bien en convenir, on voyait, selon la remarque malicieuse d’un écrivain très moderne, plus d’hommes que de maris.

Je fréquentais cette maison, comme tous mes collègues du Conseil d’État ; je fréquentais également la société de madame Hamelin et de madame Gay, dont on peut dire, sans rien exagérer, qu’elles ressemblaient de tous points à celle de madame Regnault ; j’y voyais habituellement beaucoup d’hommes dignes d’être connus, entre autres Népomucène Lemercier, avec lequel je suis resté lié. C’était un des caractères les plus honorables et des esprits les plus originaux de son temps.