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des idées et des sentiments que la parole ne saurait exprimer.

L’intérieur du château était très simple, mais il renfermait une bibliothèque immense en toutes langues, et le vieux prince était, lui-même une immense bibliothèque : il était grand savant, grand orientaliste ; il parlait toutes les langues de l’Europe et tous les dialectes de toutes les langues avec une rare perfection, et connaissait le contenu même des livres, aussi bien que l’idiome dans lequel ils étaient écrits. Je n’oublierai jamais qu’à cette époque où la philosophie de Kant brillait, en Allemagne, de tout son éclat, et où celle de Fichte commençait à poindre, il m’expliqua l’une et l’autre avec beaucoup de clarté et une douce raillerie, si bien que j’en fis mon profit, ainsi qu’on le verra un peu plus tard.

La vieille princesse, petite de taille, était de tous points une grande dame, simple, sévère, d’une politesse exquise et d’une indulgence sans laisser aller. J’ignore ce qu’il y a eu de vrai ou de faux dans les torts que les mémoires de son temps lui imputent. M. de Talleyrand m’a souvent dit que ces mémoires, entre autres ceux qui prennent le nom du duc de Lauzun, sont un tissu de men-