Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/210

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pression que cet épouvantable événement produisit sur tous les esprits. À dater de ce moment, l’avenir nous parut à tous chargé d’un sombre nuage qui ne cessait d’aller grossissant, et de jour en jour. Avide de nouvelles, personne n’osait presque en demander.

J’essayais de tromper ou d’atténuer mon inquiétude en m’appliquant sans relâche à l’étude de la langue et de la littérature polonaises. J’avais trouvé à Varsovie un ecclésiastique français, je crois un chanoine, qui, résidant depuis longtemps dans cette ville, avait fait de l’une et de l’autre une étude approfondie. Il me donnait une grande partie de ses matinées. Il avait composé une grammaire fort développée qu’il me permit de faire copier, et que j’ai conservée. Il surveillait la publication d’un dictionnaire, auquel toute la société souscrivit et que je possède ; je réunissais les principaux auteurs dont on fait cas, en cette langue, et j’ai réussi à en conserver une partie. Cette fois encore, je trouvai en moi-même un asile contre le malheur des temps et des circonstances.

L’approche de la mauvaise saison et la perplexité générale ramenaient à Varsovie un très grand nombre de familles qui s’en étaient mo-